UNE R&D AMBITIEUSE
La filière luzerne déshydratée assure en autonomie quasi totale l’essentiel de sa recherche-développement dans ses trois principales disciplines : l’agronomie, les process de récolte et de transformation et la nutrition animale. Des partenariats ad hoc sont noués avec des instituts techniques, l’INRA ou des entreprises privées. Le pilotage et le financement sont assurés par les coopératives elles-mêmes via leurs différentes instances ou filiales (Coop de France Déshydratation, Desialis, L-RD).
En matière de process, Luzerne Recherche et Développement (L-RD) est l’outil commun de coopératives de déshydratation. Au cœur de ses préoccupations, se trouvent notamment la volonté de faire évoluer les procédés existants et de développer des technologies innovantes en matière d’économie d’énergie et de protection de l’environnement pour assurer la pérennité des activités de la filière. L-RD est également la vitrine de la diversification des activités de la profession via la valorisation de ses productions agricoles sur de nouveaux marchés. En effet, L-RD se définit comme la filiale spécialisée dans la promotion des bienfaits nutritionnels de la luzerne pour l’alimentation humaine à travers la commercialisation d’extraits de feuilles de luzerne spécialement destinés au marché de la nutrition pour l’industrie des superaliments ou à vocation humanitaire.
D’autres instances de recherche telles que le Comité Exécutif Recherche Agronomique, le Comité Exécutif Nutrition Animale et le Comité Exécutif Technique travaillent à l’avenir de la profession au sein de Coop de France Déshydratation. Complète ce panorama la recherche orientée sur l’amélioration des produits pour l’alimentation animale menée par les sociétés de commercialisation.
Les avantages de la déshydratation pour la qualité du fourrage sont nombreux : stabilité dans le temps, effet « bypass » (protection des protéines de la dégradation ruminale), teneurs garanties en éléments nutritifs (protéines, carotène, xanthophylles, cellulose). Les procédés de production doivent répondre aux mêmes exigences de qualité en matière énergétique et plus largement, environnementale. Un procédé qui se déroule en trois grandes étapes, la récolte au champ, le transport et la déshydratation proprement dite en usine. Au champ, la technique du préfanage à plat (voir l’article «économies d’énergie») a permis d’économiser de 30% à 40% d’énergie en récoltant et transportant un fourrage plus sec. Les points d’amélioration portent maintenant sur les matériels de récolte avec la recherche d’un meilleur conditionnement qui doit améliorer l’efficacité et la réactivité du préfanage tout en permettant un meilleur remplissage des bennes. Des essais sont menés avec différents matériels de fauche depuis 2012. Côté transport, il s’agit de charger le plus grand tonnage de produit possible dans les bennes sachant que le fourrage ramassé sur le champ peut contenir jusqu’à 70-80% d’eau. LRD-process mène ainsi des essais avec différents procédés de remorque à chargement latéral ou conventionnel.
À l’usine, L-RD travaille sur un nouveau procédé visant à recycler les particules de produit éjectés vers les cheminées principales des usines à des fins de combustible. Les technologies de filtration usuelles n’étant pas accessibles économiquement, la filière a travaillé à modéliser la solution innovante qui lui permettrait d’atteindre un objectif ambitieux de réduction des émissions. Après une première étape de caractérisation et d’évaluation des particules, la technologie identifiée a pu être éprouvée, puis validée sur un outil de démonstration au troisième trimestre 2016, grâce au soutien reçu par L-RD dans le cadre de l’appel à projet Économie circulaire de l’ADEME, de la Région Grand-Est, et de l’Agence de l’Eau Rhin-Meuse.
L’enjeu serait de valoriser les 2/3 des particules de produit recyclé en combustible en soit 1400 t/an.
Pour aller plus loin dans cette démarche novatrice, la filière a développé un pilote à l’échelle 1/5 avec un
acteur champenois le groupe SOGEFA. Finalisé en 2018, son installation à Marigny-le-Châtel (Aube), puis Noirlieu (Marne) dans un deuxième temps, permettra de valider à l’échelle industrielle le système de filtration innovant en fonctionnement continu sur tous les produits traités dans la filière (luzerne, pulpes, agro-combustibles, etc.) sur une année d’exploitation. Cette dernière étape bénéficie une nouvelle fois du soutien des financeurs locaux, au titre du Fonds Régional Innovation (Région Grand Est/BPI), indispensables pour en rationaliser les coûts. Duplicable à 14 sites industriels de la filière au minimum, ce recyclage permettrait de limiter l’impact de l’activité des coopératives dans leur environnement, de façon multifactorielle (rejets, énergie consommée). L’enjeu serait de valoriser les 2/3 des particules de produit recyclé en combustible en soit 1400 t/an sur l’ensemble des sites champardennais.
Faisant écho à ces investigations, la filière a engagé en parallèle la démarche globale dite « Énergie CO2 2025 » dans la volonté de franchir de nouveaux paliers technologiques à horizon 2025 dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre des usines de déshydratation. Créée dans un processus d’anticipation, elle définit les 6 tâches constitutives d’une étude de faisabilité des technologies disponibles pour atteindre cet objectif : elle intègre des enjeux énergétiques, sociétaux, environnementaux et économiques qui visent à maintenir la performance environnementale des installations de la filière au niveau des meilleures techniques disponibles au sens de la Directive IED (Industrial Emissions Directive). L-RD a déposé une demande d’accompagnement financier auprès de la région et de la BPI pour soutenir cette démarche d’innovation.
En région Grand-Est, les coopératives parties prenantes de L-RD sont aussi d’importants déshydrateurs de pulpes de betterave, (550 000 t annuelles env.). Il est donc implicite que L-RD a intégré à la réflexion l’amélioration de ce procédé plus énergivore que celui de déshydratation de la luzerne. En ce sens, la recherche de technologies capables de réduire la quantité d’eau à évaporer dans la pulpe surpressée en amont du procédé de déshydratation est une piste de travail privilégiée.
Le comité exécutif recherche agronomique conduit des essais et des expérimentations dans l’objectif d’améliorer la conduite agronomique de la culture. Une collaboration étroite est entretenue avec la Chambre d’agriculture de la Marne, première zone de culture de luzerne à destination de la déshydratation, les instituts techniques comme l’INRA et Arvalis, ainsi que les responsables agronomiques des coopératives de déshydratation. Les principaux chantiers sont l’expérimentation variétale, les essais de désherbage et de fumure, la lutte contre les ravageurs, l’amélioration des rendements ou encore la valorisation de la biodiversité hébergée par les luzernières. Le Comité a notamment mis au point en 2014 l’outil d’aide à la décision AgroLuz+ qui permet à tout agriculteur de situer ses résultats agronomiques par rapport à un échantillon qu’il définit lui-même en fonction de ses propres critères. (voir article sur ce sujet page 74) La contribution de la filière luzerne à l’élaboration du Bulletin de santé du Végétal instauré par le plan Ecophyto 2018 fait aussi partie de ses actions.
Proposer aux différents marchés des produits sains, répondant aux besoins nutritifs et aux exigences de sécurité sanitaire est la mission du comité exécutif nutrition animale. Le CENA a notamment conduit l’étude sur les émissions de méthane entérique (voir article sur ce sujet dans ce guide). Il a aussi, par exemple, vérifié que le préfanage au champ n’altérait pas la qualité nutritionnelle du fourrage.
Par ailleurs, la forte teneur en Oméga 3 de la luzerne déshydratée permet au CENA d’être l’un des acteurs de longue date de l’association Bleu Blanc Coeur.. Enfin, le Comité a une mission d’identification d’autres débouchés en nutrition animale. Cette mission donne actuellement lieu à des expérimentations en nutrition équine et à une amélioration des connaissances en nutrition des caprins.
La mission du comité exécutif technique est d’accompagner et anticiper les évolutions réglementaires en matière d’environnement. Le Comité travaille par exemple sur la révision européenne des meilleures techniques disponibles, le déploiement du plan national de réduction des polluants atmosphériques (PREPA) ou l’application des exigences liées au marché des quotas de gaz à effet de serre (ETS). Ces dossiers sont de la plus haute importance pour la filière, puisque des contraintes environnementales ne tenant pas compte de la réalité économique de la filière mettraient en péril l’existence même des sites industriels. Comme pour les autres comités, le CET réunit directeurs et cadres des coopératives avec le soutien technique d’un ingénieur de Coop de France Déshydratation.
Les bénéfices de la luzerne ne sont pas réservés aux seuls animaux : en effet, grâce à L-RD, l’homme peut également tirer avantage de ce cocktail de protéines (environ 50 %), vitamines, minéraux (Fer, Calcium, Vitamine A, B6, E) et Oméga 3. À ce titre, l’agrément Novel Food, obtenu auprès de la Commission européenne en 2009, garantit l’innocuité de l’extrait concentré de luzerne en tant qu’ingrédient destiné à être utilisé dans les compléments alimentaires. Grâce au partenariat de L-RD avec l’APEF au titre de l’activité commerciale historique de la société, la richesse en protéines et en fer de l’extrait foliaire de luzerne n’est plus à prouver et lui valent notamment d’être reconnu pour ses bénéfices dans l’amélioration de l’état de santé des populations dénutries dans les pays en voie de développement.
Ce qui rend la Luzixine différente des autres ingrédients protéiques est son profil particulier en acides aminés avec la présence de tous les acides aminés essentiels. La Luzixine a un score chimique (IC) de 108, quand 100 est le standard défini par l’OMS. L’IC permet d’évaluer la qualité nutritionnelle de la protéine. Il traduit son aptitude à fournir les acides aminés (molécules de base qui servent à fabriquer les diverses protéines utilisées pour le fonctionnement de notre corps et sa construction) indispensables, c’est-à-dire ceux que le métabolisme ne peut pas synthétiser. L’IC de 108 de la protéine de luzerne signifie que celle-ci permet de couvrir tous les besoins en acides aminés essentiels. A titre de comparaison, l’IC du lait maternel, protéine de très bonne qualité biologique, est de 95 ; l’IC du lait de vache entier est de 79 même si la protéine de lait est reconnue par les nutritionnistes d’excellente qualité biologique. La Luzixine présente également une bonne digestibilité. Garantie sans OGM, adaptée aux régimes végétariens et sans gluten, la Luzixine a vocation à être utilisée en direct comme complément alimentaire ou à être incorporée à leur formulation. Elle est particulièrement adaptée à de nombreuses applications sur ce marché en tant que superaliment ou alternative aux protéines animales ; notamment sur les segments santé/bien-être ou celui des populations particulières, afin de combler certaines carences ou fournir des apports spécifiques aux besoins de ces populations (sportifs, séniors, végétariens, végétaliens, intolérants, allergiques, etc.).
Sous sa forme de poudre brute, la Luzixine peut être saupoudrée sur une salade, une soupe, ou un yaourt pour en complémenter les bénéfices nutritionnels. Elle peut également être utilisée pour la formulation de capsules et comprimés de compléments alimentaires.
Pour faire face à la demande spécifique de ces nouveaux marchés, L-RD a développé en 2018 deux nouveaux types de conditionnement : en sacs de 10 kg spécial export ou en cartons de sacs de 9 kg spécial compléments alimentaires. Ils complètent ainsi son offre historique en big-bag de 850 kg. Actuellement, 2 usines de la filière en France (chez Luzeal et Tereos), les seules dans le monde, sont opérationnelles sur ce procédé et produisent environ 100 tonnes/an de Luzixine. À titre de comparaison, sa cousine, la Spiruline, représente un volume de production française équivalent.
LES ACQUIS DE L-RD DEPUIS SA CRÉATION
Depuis sa création par la profession en 2005, Luzerne Recherche Développement a mené à bien plusieurs dossiers :
- Le préfanage à plat qui a permis de faire baisser drastiquement les quantités nominales d’énergie consommées en usine
- Le déploiement de l’emploi de la biomasse en utilisation unique ou mixte avec de l’énergie fossile
- La réduction des consommations électriques dans les usines.
- L’obtention Novel Food et la mise au point de process « food » pour la Luzixine
- Le déploiement industriel et commercial de la Luzixine