UNE CULTURE GAGNANTE POUR TOUS
Pour les éleveurs laitiers comme pour les céréaliers, la luzerne déshydratée est une culture rentable. Les différentes études menées régulièrement en grandes cultures comme en Champagne Ardenne et
en élevage laitier comme en Bretagne le démontrent. Chiffres à l’appui.
En région Champagne-Ardenne qui concentre environ 80 % de la production de luzerne déshydratée en France, le centre de gestion CDER se livre régulièrement à un
examen comparatif des marges brutes par culture.
La dernière étude en date qui date du printemps 2018 révèle que, en moyenne sur les 5 dernières années de 2013 à 2017, les cultures de céréales et d’oléoprotéagineux affichent, sur un plan strictement comptable, un avantage au niveau de la marge brute. Mais, comme le précise l’auteur de l’étude: «la marge brute est un bon indicateur pour comparer l’intérêt économique des cultures, mais elle a un inconvénient : elle ne prend pas en compte l’apport de la culture dans la rotation.
Un raisonnement culture par culture entraîne une sous estimation de l’intérêt de la luzerne car il ne prend pas en compte les spécificités de cette culture». Ces spécificités sont le surcroit de rendement pour la culture suivante, l’économie d’azote, l’économie de charges variables de mécanisation, de main d’œuvre et de bâtiments, la prise en compte dans les Surfaces d’Intérêt Ecologique. Et le centre de gestion d’évaluer la valeur économique de ces différents avantages à 180 € par hectare en faveur de la luzerne. Avec cette correction la marge brute dégagée par la luzerne s’établit à 845 €/ha à rapprocher de
665 €/ha pour la marge brute en céréales et oléoprotéagineux (blé-orge de printemps-colza) comme le montre les tableaux suivants. Cet avantage pour la luzerne s’exprime quatre années sur cinq, quel que soit le prix d’achat de la luzerne aux agriculteurs.
MARGE BRUTE COMPARÉE DE LA LUZERNE AVEC LES CULTURES « COP » (EN €/HA)
2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | Moyenne 5 ans | |
MARGE BRUTE CÉRÉALES-OLÉAGINEUX | 852 | 759 | 885 | 460 | 776 | 746 |
MARGE BRUTE LUZERNE | 790 | 803 | 610 | 493 | 628 | 665 |
MARGE BRUTE CORRIGÉE | 970 | 983 | 790 | 673 | 808 | 845 |
MARGE BRUTE COMPARÉE DE LA LUZERNE ET MARGE BRUTE DÉGAGÉE PAR LA LUZERNE EN CHAMPAGNE-ARDENNE
2013 | 2014 | 2015 | 2016 | 2017 | Moyenne 5 ans | |
RENDEMENT (T/HA) | 11,8 | 12,9 | 11,3 | 10,8 | 12,8 | 11,92 |
PRIX DE VENTE (€/T) | 99 | 90 | 82 | 78 | 75 | 84,8 |
AIDE COUPLÉE* (€/HA) | 125 | 115 | 148 | 112 | 112 | 122 |
CHARGES PROPORTIONNELLES (€/HA) | 483 | 468 | 468 | 455 | 420 | 459 |
MARGE BRUTE (€/HA) | 810 | 808 | 606 | 499 | 652 | 674 |
CORRECTION AGRONOMIQUE (€/HA) | 180 | 180 | 180 | 180 | 180 | 180 |
MARGE BRUTE APRÈS CORRECTION (€/HA) | 990 | 988 | 786 | 679 | 832 | 854 |
Les résultats des études convergent
En système laitier les coopératives de déshydratation ont été créées par des éleveurs pour déshydrater «à façon» leur propre luzerne leur assurant ainsi une traçabilité parfaite mais aussi une sécurité d’approvisionnement et la possibilité de concentrer leur attention sur leur métier d’éleveur. De la même manière qu’en Champagne Ardenne, le centre de gestion CER 35 observe à la loupe les performances technico-économiques des élevages de sa zone.
La dernière étude (2013) qui a porté sur un échantillon d’éleveurs adhérents à Déshyouest comparé à un échantillon de non adhérents montre que les coûts cumulés de l’alimentation et de la mécanisation sont voisins. En effet si le coût du fourrage est un peu supérieur en système déshydraté, il est compensé par des économies sur les concentrés et la mécanisation. Et ce constat est d’autant plus marqué pour les utilisateurs de légumineuses déshydratés comme le montre la comparaison entre les différents systèmes en déshydraté (céréales et graminées, légumineuses associées, maïs, légumineuses seules).
SYSTÈME DÉSHYDRATÉ : PAS PLUS COÛTEUX !
En 2011, une étude réalisée avec la méthode IDEA* a montré que, pour les deux systèmes de production de luzerne déshydratée, les exploitations cultivant et utilisant de la luzerne déshydratée obtiennent de meilleurs scores sur les trois échelles de la durabilité que sont l’agroécologie, le socio-territorial et l’économique. Pour ce dernier critère purement économique et qui ne valorise donc pas les effets induits de la luzerne, la différence en faveur de la luzerne est d’environ 5% (voir graphique Idea). Cette étude réalisée sous l’autorité d’un comité scientifique indépendant indiquait dans sa conclusion que: «la luzerne apparait donc comme une culture à fort potentiel environnemental».
Cette approche «système» est d’ailleurs de plus en plus prisée et par les agronomes, et par les législations européenne comme nationale qui privilégient l’allongement des rotations et la couverture permanente des sols deux piliers de l’agro-écologie.
La luzerne déshydratée obtient d’excellents scores dans les 3 échelles de durabilité : agroécologique, socio-territoriale et économique selon la méthode IDEA
DES EFFETS INDUITS POSITIFS
Les aménités environnementales et agronomiques procurées par la culture de la luzerne sont pour la plupart décrits au fil des pages de ce Luzerne Références. En voici néanmoins une brève revue synthétique.
Fournisseur d’azote «naturel»
Une luzernière retournée fournit 40 à 50 unités d’azote assimilables pour la culture suivante notamment un blé d’hiver. D’où des réductions équivalentes de fertilisation azotée pour la culture qui suit. Cette libération d’azote issue des collets et racines de la luzerne intervient sur 2 à 3 années. Il a été démontré qu’il n’y a pas de risque de fuite de nitrate après retournement.
Structuration du sol
De par sa racine pivot la luzerne explore et restructure en profondeur les sols et sur tout l’horizon avec ses racines secondaires. Un nombre réduit de passage et une excellente portance due à la densité de son implantation éliminent tout risque de tassement même avec les engins de récolte.
Épuration des sols
La luzerne capte l’azote de l’air contenu dans le sol grâce aux nodosités fixées sur ses racines. Elle assure ainsi ses propres besoins azotés. Mais sa physiologie lui permet de capter en priorité l’azote présent en excès dans le sol avant de synthétiser ce dont elle a besoin. La quasi absence de traitements pesticides (un à deux désherbages l’année de l’implantation seulement) lui confère un IFT très faible de l’ordre de 0.5 à 0.8.
Biodiversité
Des essais en plein champ ont été conduit sous luzerne pour étudier l’abondance et la diversité spécifique notamment des oiseaux, abeilles, papillons, chiroptères et orthoptères. Il a été établi que ces taxons sont 2 à 10 fois plus nombreux dans les bandes de luzerne que dans les parcelles de cultures voisines. Les ruches installées dans les luzernières sont 2 fois plus lourdes en fin d’été que leurs homologues disposées dans la céréale voisine.
Économie en eau
La racine-pivot de la luzerne peut aller chercher l’humidité du sol jusqu’à plusieurs mètres de profondeur. La luzerne n’est ainsi pas irriguée en France.
Lutte contre l’érosion
La luzerne assure une couverture du sol à 100 % pendant 3 ans. Il n’y a donc pas de risque d’érosion dans une luzernière. Environ 50% des implantations sont réalisées sans labour ce qui diminue encore les risques d’érosion avant et au moment des semis.
Qualité de l’eau
De par son fonctionnement symbiotique, ses capacités épuratrices et sa sobriété en pesticides la luzerne est une alliée objective de la qualité de l’eau. Elle est une solution prouvée pour les bassins de captage. Le bassin de captage d’alimentation de Vittel a rendu sa culture obligatoire depuis 20 ans.
Microbiologie et fertilité naturelle
La richesse et la diversité des micro-organismes, de la micro-faune et de la macro-faune du sol est une ressource pour augmenter la fertilité naturelle des sols et réduire l’usage des pesticides grâce aux auxiliaires des cultures. Des travaux menés par une équipe de l’Inra de Dijon ont commencé à mesurer la supériorité de la luzerne en terme de réservoir de biodiversité dans le sol et son rôle dans la durabilité des rotations en grandes cultures.
Une partie seulement aujourd’hui de ces «aménités» est aujourd’hui directement valorisable comme l’explique cet article. Ce n’est pas encore le cas de la biodiversité, de l’Indice de Fréquence de Traitement , de la qualité de l’eau ou de l’érosion.
On estime que la production de 800 000 hectares est ensilée et que 150 000 hectares sont récoltés en foin. Les rendements en sec varient de 6t/ha dans les régions semi-arides à 13 à 15 t/ha dans les régions humides et semi-humides dans la région de la Pampas. Lorsqu’elle est irriguée la luzerne peut donner de 13t/ha dans le nord de la Patagonie à 20 à 22 t/ha dans le nord ouest. On pratique 4 à 6 coupes par an dans le sud et jusqu’à 10 coupes dans le nord. Les quantités produites sont soit auto-consommées soit transformées et commercialisées en petites balles, en balles rondes ou parallélépipédiques de 400 kg.
La grande majorité de la production est vendue sur le marché domestique et seule une petite part est exportée outre mer en balle haute densité de 800 kg. Les principales destinations sont l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis et la Jordanie. L’Argentine a exporté 48 000 tonnes de grandes balles en 2013 et 29 000 tonnes en 2014. Plusieurs entreprises de production fournissent en plus des balles, des pellets et des cubes pour les marchés sud américains.
Le potentiel du pays pour la production de foin de luzerne est extrêmement élevé. Si les prix sont attractifs et les conditions commerciales acceptables les surfaces plantées en luzerne peuvent augmenter rapidement dans les prochaines années. En effet, en 1977, l’Argentine en cultivait 7 millions d’hectares, ce qui doit être proche de son potentiel. Mais le pays devra faire des efforts pour atteindre les standards de qualité pour l’exportation autour de 18% de protéines. Il y a beaucoup de régions dans lesquelles on pourrait produire cette qualité, en sec ou en irrigué, en incorporant un peu plus de technologies et de conseil agricole.
Des coûts très élevés d’acheminement des récoltes vers les ports.
La majorité de la luzerne est séchée au soleil mais les conditions météorologiques ne sont pas toujours optimales pour obtenir des produits finis de bonne qualité. Pour cette raison la construction d’une usine de déshydratation pourrait garantir un produit de bonne qualité stable dans le temps.
L’une des principales difficultés pour l’exportation réside dans les coûts très élevés d’acheminement des récoltes vers les ports. Aujourd’hui seules quelques compagnies exportent. Les principales d’entre elles sont “Alfalfa y Forraje de la Patagonia” à capitaux espagnols et “Agro Export de la Sierra SA” (investisseurs Jordaniens). Ces deux opérateurs ont été agréés par la Chine pour devenir l’un de leurs fournisseurs de foin de luzerne. Mais d’autres compagnies se mettent sur les rangs pour devenir elles aussi des acteurs à l’international.