LUZERNE BIO DE PLUS EN PLUS INTÉRESSANTE
Les surfaces de luzerne déshydratée bio ne cessent de progresser. Elles ont plus que doublé en 3 ans pour s’établir à 56 000 hectares en 2018. Certaines coopératives sont presque spécialisées en luzerne bio comme Sidesup dans le Loiret qui y consacre 80 % de ses surfaces ou Grasasa en Dordogne et Baigneux les Juifs en Saône et Loire avec plus de 55 % de leurs surfaces. Les raisons de cette augmentation sont multiples. La demande en lait bio ne cesse de progresser, la plupart des industriels laitiers, coopératives et privés, encourageant les conversions avec des incitations financières attractives te un accompagnement technique spécifique. Les agriculteurs quant à eux sont de plus en plus intéressés par des solutions alternatives au conventionnel, notamment, dans certaines régions, pour sortir des impasses de salissement auxquels les conduisent des rotations trop courtes et répétées. Quant aux candidats à la conversion bio, la luzerne est un puisant facilitateur. Enfin, les fabricants et distributeurs d’alimentation animale, eux, sont à la recherche de produits français puisqu’ils sont contraints d’importer de 8000 t à 10 000 t de luzerne bio, principalement d’Italie (sur un marché estimé à 39 000 t en 2018).
Des rendements à peine inférieurs au conventionnel
La marge brute en bio est souvent supérieure à celle du conventionnel en raison de rendement soit équivalents soit légèrement inférieurs de l’ordre de 1 t de matière sèche à l’hectare ( à rapprocher du rendement cible de 13t en conventionnel) alors que les prix sont quant à eux sensiblement supérieurs. Ainsi Biocentre dans une enquête auprès de céréaliers du Centre relève un rendement moyen de 11.2 t/ha en moyenne sur 3 années. Quant à la marge directe elle se situe sur le même échantillon entre 700 et 800 €/ha.
La délicate question de la valorisation hors circuit court et hors zone déshydrateurs
Attractive sur le plan agronomique la luzerne n’en a pas moins besoin de débouchés. Dans les régions des échanges entre éleveurs et céréaliers peuvent s’organiser mais ne sont pas généralisés à fortiori dans les zones à forte dominante céréalière.
1. La luzerne fixe l’azote
La luzerne assimile directement l’azote atmosphérique. La dégradation de son système racinaire au moment de son retournement permet de restituer cet azote sur plusieurs années. C’est une donnée fondamentale en grandes cultures biologiques où les apports d’azote de synthèse sont interdits et où les apports organiques restent onéreux.
2. La luzerne favorise la vie microbienne du sol
Par son système racinaire profond et puissant, la luzerne favorise la porosité du sol et ainsi le développement de la vie microbienne impliquée notamment dans les processus de dégradation de la matière organique.
3. La luzerne nettoie les adventices
La luzerne est une culture dense qui reste en place en moyenne trois ans en grandes cultures biologiques.
La biomasse aérienne de la culture couplée à son exploitation favorise l’épuisement d’une proportion importante d’adventices difficilement controlables dans le reste de la rotation. Ceci est vrai en particulier pour les vivaces (chardons et rumex).
4. La luzerne structure le sol
Grâce à son système racinaire et sa pérennité, au moins trois ans, la luzerne limite les risques d’érosion et de drainage par la couverture qu’elle forme en hiver.
5. La luzerne est une excellente tête de rotation
La pratique des rotations de longue durée (7 à 8 ans) est l’une des bases de l’agriculture biologique. En effet, les rotations longues et diversifiées permettent de limiter les risques sanitaires, de diminuer le recours aux intrants azotés et de faciliter la maîtrise des adventices.
En assurant une partie de l’alimentation azotée des cultures et en favorisant le contrôle des adventices, la luzerne est un bon moyen d’allonger la durée de la rotation. L’alternance de légumineuses et de cultures exigeantes en azote est essentielle pour gérer la fourniture azotée. Pour cela, les légumineuses, qui fixent l’azote de l’air, peuvent représenter 40% à 50% de la rotation, proportion dans laquelle la luzerne représente la moitié.
6. La luzerne est une culture permettant une transition sécurisée vers l’agriculture biologique
Les qualités agronomiques de la luzerne ainsi que le faible écart de rendement entre la luzerne conventionnelle et la luzerne bio font d’elle une culture idéale pour la période délicate de conversion en agriculture biologique. Ceci est d’autant plus vrai lorsqu’il y a une meilleure valorisation de la luzerne dès la deuxième année de conversion.
La luzerne est une bonne transition vers l’agriculture biologique sur la base d’un vrai projet agronomique et économique durable.
7. La luzerne, un bon effet précédent
Ces graphiques montrent que la marge brute d’un blé bio est maximisée avec un précédent luzerne. Ceci s’explique par des reliquats en moyenne élevés ainsi qu’en raison d’un nombre inférieur de désherbages mécaniques. Par ailleurs le rendement d’un blé de luzerne est généralement plus élevé. Pour toutes ces raisons la luzerne présente un avantage économique considérable dans la rotation.
8. La luzerne : une source de protéine végétale unique
En zone de climat tempéré, seule la déshydratation permet aujourd’hui de conserver au mieux la luzerne et de pouvoir ainsi la stocker et la valoriser. Les balles et granulés de luzerne issus de ces usines constituent une source de protéine végétale unique pour les élevages, et une source de protéines végétales de proximité garantie sans OGM.
9. La luzerne bio satisfait une demande croissante
La plus value accordée à la luzerne bio par les usines de déshydratation, due à la demande croissante de la part des acheteurs, participe à rendre la culture de luzerne bio attractive.
10. La luzerne est une culture économiquement intéressante
La meilleure valorisation de la luzerne bio par rapport à la luzerne conventionnelle est d’autant plus intéressante économiquement que l’écart de rendement entre ces deux itinéraires techniques reste faible.
Place dans la rotation
La luzerne est la tête de rotation des systèmes bio en champagne grâce à la proximité des usines de déshydratation. Comme en conventionnel son retour à moins de 6-7 ans n’est pas souhaitable, on conseille plutôt un retour au bout de 9 à 10 ans.
Elle constitue la meilleure solution pour éradiquer les chardons, et enrichir les sols en azote.
En revanche son retour trop rapide provoque une baisse de potentiel.
Choix de la variété bio
La liste de variétés « bio » disponibles par départements, est consultable sur : www.semences-biologiques.org/pages/agriculteur.php
On y retrouve 4 variétés inscrites au catalogue français dont les caractéristiques sont connues : Alexis, Artémis, Timbale, Sanditi. En cas d’indisponibilité on peut faire une demande de dérogation.
Implantation
C’est un semis de printemps qui est le plus adapté, le semis d’été ne permet pas de bien gérer l’enherbement. Au printemps deux solutions sont possibles : semis en terre nue ou sous couvert d’orge.
En terre nue
Généralement moins pratiquée, cette technique permet le binage de la luzerne. Labour, d’hiver en terres rouges, de printemps en sol de craie. Préparation superficielle : herse rotative, herse-croskill-croskillette. Semis fin mars début avril. Dose : 20 à 22kg/ha, une dose plus élevée n’est pas utile et augmente le coût de semences/ha.
Sous couvert d’orge de printemps
Cette technique est la plus utilisée car l’orge permet à la fois de faire un premier faux semis et la céréale limite la concurrence des mauvaises herbes. Labour, préparation superficielle et semis de l’orge au 15-20/2. Hersage avec herse étrille en 1 ou 2 passages à 3 feuilles de l’orge, puis semis de la luzerne au 10-15 avril. Dose de semis : 20 à 22 kg/ha. Cette technique favorise le développement des campagnols.
Fertilisation
Compte tenu des importantes exportations en potassium, il est nécessaire de compenser celles-ci soit par des apports anticipés sur le précédent de la luzerne ( n-1), et par un apport avant l’implantation. Il sera nécessaire de compléter ces apports au printemps de chaque année d’exploitation.
Privilégier des formules riches en potasse, les vinasses de sucrerie sont bien adaptées pour des semis sous couvert ; 3 t de vinasses couvrent les exportations de 8 t de MS de luzerne.
Apporter également de la magnésie sous forme de Kiéserite en sortie d’hiver pour couvrir les besoins en magnésie. Le besoin annuel en soufre est de 100kg de SO3. Il est couvert en fonction des formes d’apports (sulfate de potasse, kieserite…)
Désherbage
Les principaux outils de désherbage mécanique sont le vibroculteur et la herse étrille et plus rarement, la herse rotative et la roto-étrilleuse. L’écimeuse est un outil de dernier recours. Le binage reste une pratique très confidentielle sur luzerne mais l’arrivée sur le marché de matériel à guidage optique laisse entrevoir de nouvelles solutions d’avenir pour l’ensemble de l’exploitation.
Au printemps
Dans le cas de semis sous couvert, c’est le couvert qui est désherbé par la herse étrille ou la bineuse avant le semis de luzerne. Dans le cadre d’un semis sur sol nu, seule la bineuse et éventuellement l’écimeuse peuvent intervenir pour le désherbage mécanique sur la phase d’implantation de la luzerne.
En automne ou en hiver
En Champagne Ardenne, l’étude faite par Arvalis sur les jours disponibles à partir des données météorologiques pour faire un désherbage mécanique a conclu à une moyenne de 6.5 jours du 15 octobre au 31 décembre et à seulement 1 journée du 1er janvier au 15 mars. Pour des luzernes déjà exploitées ou très bien implantées, le désherbage mécanique se fait sur un sol ressuyé du 15 octobre au 1er mars avec un vibroculteur et /ou une herse étrille ou bien une bineuse. Le vibroculteur travaille sur 4 à 6 cm de profondeur. Ce travail peut être complété par un passage de herse étrille en sortie d’hiver. Attention, pour limiter le phénomène de remontée des pierres, il est possible d’associer un rouleau cage au vibroculteur. Contre des repousses de colzas, le broyeur est passé sur sol gelé. Le pied de colza blessé sur une période de gel intense disparaîtra. Il doit impérativement se faire lorsque la luzerne est entrée en repos végétatif pour éviter un redémarrage des plantes après le broyage. Notons que le travail du sol peut faciliter son réchauffement et son aération, éléments favorables au développement de la plante.
Durée de vie
Selon l’importance de la pression nématodes, 2 à 3 ans. En cas de pression importante ne pas hésiter à retourner la culture.
Retournement
La destruction des plantes doit être la plus complète possible pour éviter la prolifération des repousses dans le blé qui suit. La technique la plus efficace est l’emploi du Rotavator puis un labour, sinon 2 passages de Cover-crop suivis d’un labour.